Y a-t-il un « bug humain »?

Par Marine Girard | Publication : le mars 6, 2020 à 15:00

Le sujet environnemental n’est-il pas de juguler la programmation de notre cerveau ?

Sébastien Bohler décrypte « Le bug humain »

Dans son ouvrage Le bug humain, Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et rédacteur en chef du magazine Cerveau et Psycho, met en évidence les mécanismes neuronaux ancestraux qui agissent sur nos comportements.

Bohler part d’un constat sans appel : depuis ses origines, l’espèce humaine utilise les ressorts de son « super cerveau » pour chercher à obtenir toujours plus. Insatiables, nous sommes sans cesse en quête de croissance. Et jusqu’ici, cette quête du plus nous a brillamment réussi : aujourd’hui, 8 milliards d’individus continuent à se reproduire et à exercer leur empire sur les ressources. Mais chaque jour un peu plus, nous vivons à « l’ère de tous les superlatifs ». Grâce au progrès technologique jamais limité en date, davantage d’individus consomment de manière inéluctable nourriture, sexe, pouvoir et territoire, tout en économisant le maximum son énergie propre. Dans un monde aux ressources limitées, l’espèce humaine surexploite son environnement et met en danger sa propre survie.

Au cœur de cette quête effrénée de croissance se trouve le « striatum », région du noyau cérébral de notre cerveau. Grâce aux connections neuronales qu’il établit avec les sens et le reste de notre psyché, il influence la plupart de nos comportements et récompense en plaisir les « marqueurs primaires » de dominance cités plus haut, par un flot de dopamine.

Et s’il a survécu si longtemps c’est que la survie est sa raison d’être. Le striatum est un champion de la sélection naturelle, en favorisant les comportements qui se traduisent par de meilleures chances de survie dans le milieu hostile qui était le nôtre avant l’ère « moderne » :  quête de davantage nourriture, partenaires sexuels, statut social ou exploration de nouveaux territoires. En récompensant ces comportements, notre cerveau les renforce et permet à nos gênes de prospérer. Mais avec la modernité, en nous faisant basculer du plus au trop, il nous expose au danger. Surexploitation des ressources, surconsommation, obésité, addiction aux réseaux sociaux ou au porno en ligne, satisfaction immédiate de nos désirs (achat « en un clic » ou la pizza micro-onde) en sont quelques manifestations.

Sur une note finale plus positive, Bohler questionne aussi les voies de recours pour désactiver ce mécanisme neuronal du « plus » et nous laisse quelques pistes de réflexion pour, en quelques sortes, reprogrammer notre cerveau, utiliser la force de notre conscience pour apprendre associer « moins » de consommation avec « plus » de satisfaction.

Une autre piste également surpuissante de régulation de nos appétits : la régulation par le groupe, par la norme sociale. Si la norme n’est plus de surconsommer (ou tout mode de vie non soutenable), celui qui commence à percevoir sa distance par rapport à la norme du groupe va adapter ses pratiques.

Les recherches en psychologie sociale et en économie comportementale intègrent de nombreux éclairages interdisciplinaires sur notre chemin à la sobriété. Parmi les contributions, celle des neurosciences apporte des éléments d’explication supplémentaires pour comprendre les « cognitions inconscientes » et les mécanismes neurobiologiques à l’œuvre dans nos comportements[1]. Cette compréhension fine des déterminants des comportements individuels et des normes sociales est essentielle pour déterminer les actions et les programmes qui nous aideront à construire une société en phase avec les limites de son environnement.

Nous avons pour but à A4MT de rendre dominantes les nouvelles pratiques émergentes et vertueuses : quel que soit le sujet, elles existent quelque part. Le pari est qu’elles deviennent la norme en permettant la régulation du moteur « primaire » (primitif ?) révélé par les neurosciences et bien résumé dans Le Bug Humain.


[1] Moser, Gabriel. « Psychologies sociales. Psychologie sociale, application de la psychologie sociale et psychologie sociale appliquée », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, vol. numéro 70, no. 2, 2006, pp. 89-95.


Où trouver Le Bug Humain ? C’est par ici.

Vous vous souvenez de « Fast and Furious » ? Dans ce lancement du deuxième film de la saga, de la nourriture, des mâles dominants sur fond de « bimbos », de la lutte de pouvoir, exacerbe nos moteurs « primaires ». Nous pensons qu’il est possible aussi de « faire la course » sur d’autres critères !